Par Juline Duquesnel

Le cabinet DENIAU AVOCATS a obtenu pour une cliente, une entreprise de travaux publics iséroise, la condamnation d’une commune à lui verser une indemnisation suite à plusieurs ajournements sur un chantier de travaux publics dont elle était titulaire.

La décision du Tribunal administratif de GRENOBLE datée du 17 juin 2019, aujourd’hui devenue définitive, est remarquable en ce qu’elle rappelle utilement que le maître d’ouvrage public est tenu d’indemniser une entreprise subissant un préjudice consécutivement à un ajournement de chantier et ce, peu importe que ledit maître d’ouvrage ait commis une faute ou non.

En l’espèce, l’entreprise était titulaire d’un marché voiries et réseaux divers (VRD) dans le cadre de l’aménagement d’un quartier dans lequel devaient être réalisés simultanément des immeubles édifiés par des promoteurs privés.

Compte tenu du retard dans la construction de ces immeubles, la Commune a émis sept ordres de services prescrivant des ajournements de chantiers à l’attention de l’entreprise titulaire du lot VRD, de sorte que le chantier s’est étalé sur une durée de 33 mois au lieu de 12, initialement convenus contractuellement.

Constatant le préjudice important subi du fait de ces ajournements, l’entreprise a porté une réclamation indemnitaire dans son projet de décompte final, puis dans un mémoire en réclamation, lequel a été rejeté par la commune.

C’est dans ce contexte que l’entreprise de travaux publics a porté l’affaire devant la juridiction administrative.

Cette dernière se prévalait de l’application de l’article 49 du CCAG marchés publics de travaux (2009) lequel prévoit un mécanisme d’indemnisation de l’entreprise conservant la garde du chantier, en cas de préjudice consécutivement à un ajournement de chantier :

« L’ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l’article 12, à la constatation des ouvrages et parties d’ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés.
Le titulaire, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu’il aura éventuellement subi du fait de l’ajournement. »

La commune s’opposait à une telle indemnisation considérant notamment :

  • Qu’elle n’avait commis aucune faute ;
  • Qu’il n’y avait aucun bouleversement du contrat ;
  • Que l’entreprise avait commis des fautes.

En substance, la commune se référait à l’arrêt du Conseil d’Etat Région Haute Normandie du 5 juin 2013 (CE 5 juin 2013, Région Haute Normandie, n°352917) et indiquait en outre que faute de constat contradictoire réalisé conformément à l’article 12 du CCAG travaux marchés publics (2009), aucune indemnisation ne pouvait être octroyée à l’entreprise.

Le Tribunal administratif de GRENOBLE a notamment retenu que :

  • L’article 49 du CCAG marchés publics de travaux (2009) instaure un régime de responsabilité contractuelle sans faute.
  • Le constat contradictoire n’est pas une condition de l’indemnisation de l’entreprise mais un simple moyen de preuve de l’établissement de son préjudice.

Au cas d’espèce, la juridiction a considéré que quatre ordres de service étaient effectivement des ajournements de chantier au sens de l’article 49 du CCAG travaux, dont les conséquences devaient être indemnisées et ce, même en l’absence de faute de la commune.

Le Tribunal administratif de GRENOBLE a appliqué à la lettre l’article 49 du CCAG marchés publics de travaux (2009).

Le jugement du 17 juin 2019 s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence relative aux ajournements de chantier (CE 21 février 2000, n°187257 OPHLM Nice ; CAA Lyon, 9 janv. 2014 n°12LY01997 ; CAA Paris, 16 juin 2015 n°13PA00368 ; CAA Nantes 28 juill.2015 n°13NT01133 ; CAA Bordeaux 23 juin 2014 n°12BX02551) et constitue un rappel nécessaire en ce que l’entreprise conservant la garde du chantier doit être indemnisée par le maître d’ouvrage du fait du préjudice subi, peu importe que ce dernier ait commis une faute ou que l’ajournement résulte du fait d’un tiers.

La seule exonération possible pour le maître d’ouvrage étant l’hypothèse dans laquelle l’ajournement de chantier résulte d’une faute de l’entreprise.

Cette décision favorable aux entreprises du BTP ne doit pas leur faire oublier qu’il est important :

  • De se ménager des preuves pour démontrer leur préjudice, lequel sera apprécié in concreto par le juge administratif (constat contradictoire, lettres RAR, mails, conservation du journal de chantier…)
  • Mais aussi et surtout, de respecter scrupuleusement le processus d’établissement du projet de décompte final et du mémoire en réclamation prévu par le CCAG Travaux faute de quoi leur demande pourrait être irrecevable.

Pour cela, les entreprises ont intérêt à solliciter au plus tôt leurs conseils (Syndicats professionnels, avocats, juristes…) afin d’être accompagnées utilement dans le respect du CCAG marchés publics de travaux.

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